top of page
Writer's pictureNicoletta Fagiolo

La propagande du New York Times sur le procès Charles Onana

Updated: Dec 19, 2024



Caricature éditoriale de l'artiste congolais renommée Tembo Kash sur le procès de Charles Onana



Noam Chomsky écrivait pour un magazine mensuel, LOOT, Lies of Our Times, qui réfutait souvent les articles du New York Times. LOOT étais en fait devenu un chien de garde du New York Times. Plus récemment, le NYT a dévoilé une couverture fallacieuse du génocide palestinien, dont l’article « Screams without words » sur les viols de masse présumés commis par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre 2023 est peut-être le plus méprisable. Il a été complètement démystifié par des médias indépendants tels que Screams without proof: questions for NYT about shoddy ‘Hamas mass rape’ report de The Grayzone, Mondoweiss et Electronic Intifada. Les reportages du NYT, loin d’être un journalisme factuel, ne sont souvent qu’un simple porte-parole du gouvernement américain, avec toutes les conséquences horribles qu’un récit gouvernemental incontrôlé peut entraîner.


Adam Nossiter, auteur d’un article du NYT couvrant un récent procès en France qui accuse l’historien et journaliste d’investigation Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx de négation du génocide Tutsi pour 16 phrases tirées du livre de 2019 d’Onana Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise – Quand les archives parlent , livre qui se concentre sur cette opération française mandatée par l’ONU, est un autre exemple des reportages trompeurs du NYT.


Nossiter écrit que Onana et Serieyx ont été condamnés le 9 décembre et doivent payer une amende aux trois ONG qui les ont poursuivis. Onana et Serieyx ont immédiatement fait appel du verdict de culpabilité. Cependant, quiconque a suivi le procès sait que les plaignants n'étaient pas trois, mais sept ONG et une série d'avocats : Ibuka-France, Survie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), la Ligue des droits de l’homme (LDH France), le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) et la Communauté rwandaise de France. Cette disproportion de pouvoir au procès a été soulignée à la fin des débats par l’avocat de Damien Serieyx, Pape Mbaye.


La loi française de 2017 sur la presse interdit de nier un génocide officiellement reconnu. Appliquée au Rwanda, cette loi ne reconnaît que les Tutsis comme victimes, ce qui revient à falsifier l’histoire récente du pays, ce que l’expert en propagande Edward S. Herman a dénoncé dans son livre Enduring Lies: The Rwandan Genocide in the Propaganda System, 20 Years Later, paru en 2014. La loi impose ainsi un apartheid aux victimes de la tragédie rwandaise : écrire que des Hutus et des Twas ont également été tués est considéré comme un déni de génocide en France, et au Rwanda, où cela peut entraîner jusqu’à 25 ans de prison. Cette loi entrave la réconciliation au Rwanda, où les Hutus ne sont pas autorisés à commémorer leurs proches morts lors des massacres de masse, et va même à l’encontre de ce que croient la plupart des Rwandais, à savoir qu’une véritable réconciliation n’est possible que si l’histoire récente du pays est racontée sans censure.


Les imprécisions et les erreurs factuelles flagrantes de Nossiter sont nombreuses : il écrit que 19 (il y en a en réalité 16) « passages » ont été choisis par les plaignants pour incriminer Onana, pourtant, ce ne sont pas des passages mais des phrases, dont certaines sont même coupées en deux ; Onana ne nie pas le génocide des Tutsi comme l’écrit Nossiter, et souligne souvent tout au long du livre qu’un génocide des Tutsi a eu lieu ; Onana n’écrit pas que le génocide était « une escroquerie», mais les plaignants ont sorti la phrase de son contexte car cette phrase commence avec Ceci qui renvoie au paragraphe précédent. Ainsi, l’« escroquerie » à laquelle Onana fait référence dans cette phrase n’est pas le génocide, mais la prétention du Front Patriotique Rwandais, dès le 30 avril 1994, à disposer de preuves solides d’un plan préexistant d’extermination de la population Tutsi de la part du gouvernement Habyarimana. La phrase renvoie donc à la caractérisation hâtive des événements au Rwanda qui a été concocté lors des massacres au Rwanda ; Nossiter prétend à tort que le mot génocide est toujours mis entre guillemets dans le livre d’Onana, alors qu’en réalité, le mot n’est pas mis entre guillemets dans tout le livre, sauf lorsque Onana veut attirer l’attention sur le terme utilisé en dehors de sa définition légale. Par exemple, Onana analyse quand, comment et par qui le terme a été introduit au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, en référence à la crise rwandaise. Un exercice historique intéressant qui peut révéler les intentions des différents acteurs internationaux tout au long de la tragédie. Onana a écrit sept autres livres sur la région des Grands Lacs, où le terme génocide, lorsqu’il se réfère au Rwanda, n’est pas mis entre guillemets. Ce seul fait soulève de sérieux doutes sur la justification de cette accusation particulière.


L’article de Nossiter est pour le moins biaisé car il ne cite que le point de vue des parties civiles. Il souligne par exemple que les plaignants ont évoqué l’importance du constat judiciaire de génocide comme preuve de la planification du génocide par les autorités rwandaises, alors que le constat judiciaire de génocide est un outil juridique très contesté par de nombreux avocats et experts en droit pénal international, comme l’a démontré lors du procès le témoin de Onana, l’avocat congolais et ancien président de l’association des avocats du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Hamuli Rety.


Nossiter cite une critique du livre de Charles Onana par le chercheur sur les Grands Lacs africains Serge Dupuis, mais à la lecture de cette critique, les analyses sont faibles. Dupuis prétend par exemple que les sources d’Onana ne s’appuient que sur l’ancien gouvernement rwandais ou des militaires français impliqué dans l’opération Turquoise. C’est faux car les sources sont multiples, allant des archives des Nations Unies, du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), des agences du gouvernement américaines, les archives de l’Élysée et du ministère français de la Défense, ainsi que de nombreux témoins oculaires des événements. De plus, dans un article écrit par Serge Dupuis en 2014, Sur la planification du génocide des Tutsis rwandais, Dupuis arrive aux mêmes conclusions que Charles Onana. Sur les preuves de la planification du génocide Dupuis écrit : «De fait, le génocide des Rwandais tutsis ne fut pas le résultat d’une planification arrivée à maturation mais la conséquence du conflit qui opposa, entre 1990 et 1994, le Front Patriotique Rwandais (FPR, dirigé par des Tutsis, le parti au pouvoir au Rwanda aujourd’hui) et le régime rwandais de l’époque.» (…) « Rappelons ici qu’en vingt ans, au cours de plusieurs très longs procès qui virent le procureur faire de la planification son cheval de bataille, procès qui multiplièrent témoignages et documents, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), chargé de juger les « grands » génocidaires rwandais, ne parvint jamais à prouver « au-delà de tout doute raisonnable » qu’il y aurait eu entente préalable des différents inculpés, avant le 6 avril 1994, « en vue de commettre le génocide » (…) L’ensemble des faits évoqués, des preuves mises en avant et des témoignages présentés furent jugés insuffisants, ou insuffisamment fiables, par les juges du tribunal pour les convaincre de la réalité d’une conspiration génocidaire ».


« Ce régime doit en effet à la version officielle et manipulée de l’histoire rwandaise récente, qui fait du FPR le «libérateur » du peuple rwandais et le valeureux et victorieux combattant d’un génocide planifié, sa légitimité internationale. Une légitimité qui couvre donc sa marche militaire vers le pouvoir dans la violence, mais qui couvre également les politiques autoritaires et répressives qu’il mène aujourd’hui. », écrit Dupuis. Il souligne également : « Il convient à ce stade de s’interroger sur la vigueur avec laquelle l’actuel gouvernement rwandais et ses partisans s’en prennent de manière systématique à tous ceux qui, chercheurs ou observateurs, réfutent la thèse d’une planification antérieure au 6 avril 1994. Et cela quand bien même ceux-ci expliquent qu’il y eut bien au Rwanda à cette époque, non pas des massacres spontanés accomplis dans un contexte d’effondrement de l’État par une population terrorisée par la guerre et rendue furieuse par l’assassinat de son président, mais intention et politique d’État génocidaires. La reconnaissance ou non de la planification « ancienne » du génocide, a-t-on de fait pu écrire, semble constituer une véritable « ligne de démarcation » au-delà de laquelle commence l’accusation de négationnisme.” Dupuis pourrait aussi facilement être qualifié de négationniste du génocide si l’on appliquait la nouvelle loi draconienne française.

Aucun des six témoins des plaignants n’était au Rwanda pendant la période historique examinée. Au contraire, les 18 témoins venus témoigner en faveur d’Onana étaient tous des témoins oculaires présents au Rwanda à l’époque et avaient une connaissance directe des événements. Pourtant, la reconstitution factuelle de l’histoire examinée, révélée par ces témoignages de première main, souvent de haut niveau, a été négligée par les juges et le Procureur, qui n’ont montré aucun intérêt réel à s’intéresser à leurs récits lors du procès.


Un exemple parmi tant d’autres de faits qui ont été évoqués au procès et qui ont mis à mal la version simplifiée et manichéenne de la tragédie rwandaise institutionnalisée par la récente loi française comme version officielle : le colonel Luc Marchal,commandant belge du secteur de Kigali de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), a témoigné que de nombreux Tutsis vivant au Rwanda lui ont dit avoir peur du Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par des Tutsis. Une telle déclaration devrait soulever de nombreuses questions sur le rôle du FPR dans le génocide du pays et sur son objectif présumé de sauver les Tutsis lorsqu’il a envahi le pays. Pourtant, les juges et le procureur français n’avaient aucune question à poser sur ce point.


Les sept ONG ont présenté des témoins douteux au procès. Le témoin d’Ibuka-France, l’avocat Bernard Maingain, qui a fondé toute sa déposition sur des ouï-dire, est peut-être le plus compromis et donc le plus incapable de présenter un témoignage objectif et impartial. M. Maingain est avocat du Front patriotique rwandais (FPR) depuis la fin des années 1980. M. Maingain a été déclaré persona non grata au Burundi pour avoir falsifié des preuves, car il a envoyé en 2016 à la chaîne de télévision française France 3 une vidéo qui n’a pas été tournée au Burundi, comme preuve d’attaques anti-Tutsis dans le pays. « Une analyse plus approfondie des images diffusées a révélé que les personnes visibles dans la vidéo ne parlaient pas le kirundi mais le haoussa, parlé principalement en Afrique de l’Ouest, et que les images amateur ne pouvaient donc pas avoir été tournées au Burundi », rapporte le magazine Jeune Afrique. L’article souligne également : « L’avocat belge Bernard Maingain, qui a défendu quatre des vingt-huit militaires et militaires putschistes accusés d’avoir participé à la tentative de coup d’État des 13 et 14 mai 2015, a été accusé par Bujumbura de complicité de coup d’État lors du procès de décembre 2015. »


Soutenir par la justice des tentatives illégitimes de changement de régime en Afrique (ou des tentatives réussies comme la guerre menée par le FPR au Rwanda de 1990 à 1994) semble être l’héritage criminel de Maigain : aujourd’hui, il utilise la même tactique dans l’est du Congo, où il incite à la haine ethnique, en occultant la dénonciation par l’État congolais de l’agression illégale du Rwanda dans l’est du Congo, documentée par les rapports de l’ONU depuis 2001, sous un prétendu récit des sentiments anti-Tutsis des Congolais. Les gens comme Maingain sont extrêmement dangereux, car ils construisent un faux vernis juridique pour cacher ce qui est clairement une politique de déstabilisation soutenue par l’Occident en Afrique.


Au Rwanda, le gouvernement légitime a été condamné par le TPIR à Arusha pour sa définition de l’ennemi comme « ceux qui prennent les armes contre son gouvernement », alors que le droit international devrait normalement sanctionner le crime d’agression. Ce n’était pas le cas pour le Rwanda. Cette même tromperie est utilisée aujourd’hui dans l’est du Congo : les 12 millions de civils congolais qui ont été tués par des mandataires rwandais soutenus par l’Occident dans la région depuis 1996 sont omis des récits dominants sur la guerre congolaise. Le gouvernement congolais est accusé d’être anti-Tutsi car il dénonce cette invasion du pays par des mandataires rwandais qui dure depuis trois décennies. Pourtant, ce n’est pas le pays agressé qui devrait être accusé si l’on suit le droit international, mais le gouvernement rwandais.


Maingain a cité tout au long de son témoignage des informations qu'il avait reçues d'un ami, l'ancien gouverneur de la Banque nationale, Jean Birara. Un câble Wikileaks datant de 1976 présente déjà Birara comme étant farouchement opposé à Juvénal Habyarimana, affirmant à l'époque que le président rwandais voulait le tuer. Le département d'Etat américain a jugé que ses déclarations manquaient de crédibilité. Maingain a également participé à des réunions parallèles avec l'opposition rwandaise à Bruxelles, ce qui n'a pu que contribuer à faire dérailler le délicat processus de paix d'Arusha.


Bojana Coulibaly, chercheuse à Harvard et experte en littérature, était peut-être le témoin le plus embarrassant des plaignants, car elle n’a publié aucun travail sur la région des Grandes Lacs, mais a récemment trouvé le temps d’interviewer la milice rwandaise M23 qui cause des ravages à l'est du Congo, et seulement cette milice. Blanchir le régime totalitaire du FPR et ses crimes semble être sa mission.

Aucune tentative n'a été faite pour joindre Onana ou son avocat afin de commenter cet article du NYT, comme l'écrit Nossiter. Onana a tenu une conférence de presse le 11octobre à la fin des audiences, facilement disponible en ligne, ainsi que le 9 décembre, que Nossiter aurait pu citer.


Lors de la conférence de presse du 11 octobre, Onana a souligné que Kagame et le gouvernement américain avaient réussi à démettre de ses fonctions la procureure du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Carla del Ponte, en 2003, alors qu'elle voulait enquêter sur les massacres de masse du FPR, un épisode que Del Ponte évoque également dans ses mémoires. Onana a également souligné que l'enquête de huit ans rendue publique en 2006, dirigée par le juge Jean-Louis Bruguière, qui a enquêté sur l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994 au-dessus de Kigali, a également été entravée par des pressions politiques. Des mandats d’arrêt internationaux avaient été émis contre neuf responsables rwandais, dont le chef des forces armées rwandaises, James Kabarebe, et le chef d’état-major de l’armée, Charles Kayonga. Le témoin d’Ibuka-France lors de ce procès, Maingain, était l’avocat de Kabarebe. Le conflit d’intérêt est si scandaleux qu’on se demande pourquoi Maingain a été autorisé à témoigner dans ce procès.


Onana a déposé une plainte contre Kagame en octobre 2024 pour menaces de morte reçues. Mais Nossiter omet également cela.


L’article de Nossiter ne fait que contribuer à la campagne de diffamation bien orchestrée contre l’auteur Onana. En août de cette année, Jason Stearns, qui se proclame expert du Congo, a déjà écrit un article trompeur sur Onana. Le livre d’Onana, L'Omerta de la communauté internationale, publié en 2023, pourrait être la véritable raison pour laquelle de puissants intérêts occidentaux tentent de faire taire le chercheur franco-camerounais. Le livre décrit en détail l’invasion du Zaïre (aujourd’hui Congo) et la mise en place d’un système d’occupation qui se poursuit encore aujourd’hui.


Nossiter écrit : « Le tribunal a souligné « le danger du raisonnement de Charles Onana et de son éditeur » compte tenu de la volatilité actuelle de la région. » Pourtant, la situation dans l’est du Congo est instable depuis l’invasion rwandaise de 1996 et se poursuit à ce jour. Il est malhonnête de la part de Nossiter de citer l’affirmation du tribunal français selon laquelle le génocide dans l’est du Congo peut être d’une certaine manière influencé par les écrits d’Onana, et d’omettre l’agression rwandaise qui a duré trois décennies.


Nossiter écrit que Macron a reconnu l’implication française dans le génocide, mais qu’il a omis de souligner la nécessité pour la France de rétablir les relations diplomatiques avec le Rwanda, alors que les soldats rwandais au Mozambique sont engagés par la France pour la protection du projet de gaz naturel liquéfié de la société TotalEnergies. La France a également signé en février de cette année le mémorandum de l’UE avec le Rwanda, concernant les minéraux rares, des minéraux que le pays ne possède pas, mais qu’il vole au Congo voisin de l’est.

Ce pillage des minéraux du Congo a coûté la vie à 12 millions de Congolais depuis 1996 et la région compte aujourd’hui 7,2 millions de déplacés internes.


Dans sa quête désespérée de rétablir des relations diplomatiques avec le Rwanda, la France, depuis le gouvernement du président Nicolas Sarkozy, a même permis que ses soldats soient harcelés, via des procédures judiciaires interminables, qui les accusaient de génocide au Rwanda lors de l’opération Turquoise. Pourtant, Nossiter omet commodément le procès en cours devant la Cour d’appel de Paris qui, un jour après la rédaction de son article dans le NYT, le 11 décembre 2024, après 18 ans de procédure judiciaire, a rejeté les accusations de complicité de génocide visant les soldats de l’armée française de l’opération Turquoise. Le verdict était un non-lieu. Dix-huit ans de procédures judiciaires en France ont abouti à la même conclusion que le livre de Charles Onana.


Nossiter écrit : « Une intervention militaire française autorisée par l’ONU, baptisée « Turquoise », n’a pas réussi à arrêter les massacres. » Cette phrase est en elle-même absurde. L’opération française a été mise en œuvre après la prise du pouvoir par le FPR en juillet 1994. Le livre d’Onana, ainsi que d’innombrables autres récits historiques, révèlent comment le FPR, mais aussi les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont bloqué toutes les interventions possibles de l’ONU pour arrêter les massacres. De plus, cette opération humanitaire était la seule sur le terrain qui se concentrait sur le sauvetage de vies. D’innombrables vies, parmi lesquelles 8 000 Tutsis du camp de Nyarushshi, qui avant l’arrivée des Français étaient protégés par le gouvernement intérimaire rwandais (le même gouvernement accusé de génocide), ont été sauvées.


Le fait de blâmer la France pour le génocide était une opération psychologique astucieuse menée par les États-Unis, la Grande-Bretagne et le FPR pour détourner l’attention des autres opérations en cours au Rwanda, qui se déroulaient en dehors de l’opération Turquoise mandatée par l’ONU : l’opération américaine Support Hope, l’opération britannique Gabriel et l’opération israélienne Interns for Hope. Pourquoi, en 30 ans, n’y a-t-il pas eu d’enquête sur ces opérations ? On ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce silence et de se demander s’il est dû à la planification d’un autre changement de régime, puisque le Rwanda a attaqué le Zaïre (devenu Congo) deux ans plus tard, en 1996. L’administration Clinton a-t-elle contribué à deux changements de régime dans la région des Grands Lacs qui ont tué et continuent de tuer des millions de civils ? Quel a été le rôle de la Grande-Bretagne ?


La criminologue et professeure d’études sur la paix et les conflits à l’École des relations internationales de l’Université de St Andrews, Hazel Cameron, écrit dans un article de 2012, British state complicity in genocide: Rwanda 1994 : « Il est important de souligner qu’un certain nombre de preuves documentaires pertinentes pour cette étude restent classifiées par le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth. » .” Il y a cependant des détails dans son article, dont les sources sont des câbles diplomatiques de l’époque, qui méritent une analyse plus approfondie. Par exemple : « Lors d’une interview, un ministre du gouvernement britannique a déclaré que le 6 avril 1994, d’une certaine manière, n’avait pas été un choc du tout » et en effet, les communications entre Kampala et Londres quelque trois jours après l’assassinat révèlent que la mort de Habyarimana a été perçue par le personnel diplomatique britannique comme une évolution positive en termes de politique rwandaise. » Cameron cite également un télégramme inquiétant de l’ambassade britannique à Kampala adressé au ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO) à Londres le 13 avril 1994, une semaine après le début des massacres : Edward Clay, haut-commissaire britannique à Kampala, y déclare : « Le FPR prend l’allure d’un gouvernement en attente » (…) leur affirmation selon laquelle lui seul peut mettre fin aux massacres est plausible » et, se référant à un mandat actualisé de la MINUAR qui sera discuté lors d’une prochaine réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, Clay écrit : « il serait prématuré de changer le caractère ou le mandat de la force avant que le FPR n’ait atteint ses objectifs militaires ». Sans commentaire.


Le fait de blâmer la France était aussi un moyen de détourner l’attention des crimes atroces du FPR. Le rapport Gersony de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, UNHCR, qui révélait les massacres de masse du FPR, a été étouffé à l’époque, et des partisans de Kagame, comme le chercheur Gérard Prunier, ont même écrit qu’il n’existait probablement pas.


Le livre d’Onana, Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise – Quand parlent les archives, est tiré de sa thèse de doctorat soutenue à l’université de Lyon en 2017 et approuvée par un jury international qui a reconnu sa valeur scientifique. Nossiter, dans le but évident de discréditer Onana, écrit qu’en 2000 (il y a donc 17 ans) cette université était « soupçonnée d’être un foyer de négationnistes du génocide ». Tenter de le dénigrer, en le traitant de négationniste de l’Holocauste juif, est franchement odieux. Quiconque connaît l’œuvre universitaire d’Onana sait qu’elle se concentre sur le panafricanisme, l’antiracisme et le néocolonialisme : Onana a écrit un livre sur l’actrice et chanteuse Joséphine Baker et sa contribution à la lutte contre le nazisme ; sa maison d’édition Duboiris a mis à disposition en français les mémoires de Theodor Michael Wonja, un acteur noir, survivant des camps nazis allemands ; il a publié les écrits de la célèbre militante américaine des droits civiques Amelia Boynton Robinson, ainsi qu’un livre sur les luttes antiracistes d’Albert Einstein alors qu’il vivait aux États-Unis.


Ses écrits ne peuvent pas non plus être considérés comme un moyen de blanchir les interventions militaires françaises en Afrique. Onana a écrit deux volumes sur la Côte d’Ivoire, pays d’Afrique de l’Ouest, critiquant le rôle de l’armée française dans le changement de régime illégitime de 2002 à 2011, ainsi que sur une opération de psyops militaire française à Bouaké en 2004.


L’auteure et spécialiste du Rwanda Judi Rever a écrit sur le danger d’un récit aseptisé en citant le mea culpa d’Alex De Waal pour ses écrits sur le Rwanda, dans son article Writing Human Rights and getting in wrong : ici, De Waal admet avoir contribué à fabriquer « le récit singulier du génocide », qu’il a inventé, sans se fonder sur des preuves, et qui est devenu aujourd’hui « une licence pour le despotisme ». Le mea culpa de De Waal ne semble pas authentique à la lumière de son utilisation récurrente du terme génocide comme arme fallacieux dans la récente guerre en Éthiopie, tout en restant silencieux sur le génocide amhara en cours en Éthiopie.


« L’affaire Onana est importante pour la liberté d’expression en France et au-delà. L’histoire doit-elle être codifiée et appliquée par la loi ? Les dissidents doivent-ils être poursuivis ? Qui doit décider de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas ? », écrit Ann Garrison, journaliste à Black Agenda Report. « Depuis leur prise de pouvoir en 1994, le président rwandais Paul Kagame et l’élite tutsie au sommet de son régime totalitaire ont gardé un œil sur l’histoire du génocide rwandais. Ils ont largement réussi à le renommer « génocide contre les Tutsis » afin de se retrancher au pouvoir. C’est une histoire simple, dépourvue de contexte historique, dans laquelle la majorité démoniaque des Hutus du Rwanda a conspiré pour commettre un génocide contre sa minorité Tutsie innocente et les Hutus qui ont essayé de la protéger », rapporte Garrison.


Pour l’instant, la loi française de 2017 sur la presse interdit toute nuance, avec toutes les conséquences néfastes qu’elle entraîne pour la recherche universitaire, la liberté d’expression, ainsi que pour le besoin désespéré de réconciliation du Rwanda. Cet article du NYT est un mauvais service rendu à la recherche, à la liberté d’expression et à une réconciliation authentique basée sur la vérité.


8 views0 comments

Comments


Post: Blog2_Post
bottom of page